L’œuvre de Marcel Arnould est sans anecdotes.
 
La technique, le hasard du trait, la facture, l’harmonie des tons, les dimensions, tout cela
 
importe dans l’histoire de l’art, mais c’est la pensée, certain diront l’âme, qui guide le geste
 
créateur. La pensée est comme « absorbée » par la fabrication du tableau. Et c’est ainsi que
 
des tableaux parlent et que d’autres se taisent et que d’autres encore chantent ou hurlent.
 
Ici, ils chuchotent, ils vous interpellent discrètement et vous invitent au dialogue, sans
 
impératif, mais parfois sans concessions.
 
Car ce qui est ici représenté, est fondamental, entier et donc dérangeant.
 
C’est une peinture qui dérange, qui embarrasse.
 
Il y a des visages défigurés qui pourtant vous dévisagent.
 
Il y a des êtres mais pas de personnes.
 
Il n’y a pas de fleurs parce qu’il n’y a pas de soleil, il peint le monde intérieur.
 
Il n’y a pas de surface, il y a des couches de douleur, des failles de silence, des miasmes, des
 
rumeurs de caresses, mais point de dureté, je veux dire que la matière est propice à la
 
tendresse. Bienveillante au regard elle vous capture, vous envoûte et vous contraint à mieux
 
voir.
 
C’est une œuvre exigeante. Attirante, elle vous interroge sur vous même,
 
et sur notre capacité à voir au-delà de l’apparence et des reflets scintillants de notre monde
 
noyé d’images.
 
Abrupt, le tableau impose son énigme, puis si votre regard et puis si votre cœur  s’ouvrent à
 
l’improbable, alors vous pourrez saisir un point, un interstice, une altération, un creux auquel
 
vous accrocher pour escalader et conquérir un monde sensible, caché, de rêves et
 
d’épouvante.
 
Comme chez Goya ( Los Caprichos) il y a dans les tableaux de Marcel Arnould du cauchemar
 
dans le rêve, des oiseaux et des crânes, des enfants et des pierres défigurées, des corps et des
 
porcs, des femmes et des ombres. Parfois la rêverie prend corps elle devient minérale et c’est
 
Jérôme Bosch qui couve sous la cendre.
 
Cendre, glaise, croûte, éclaboussure, sillon, il sculpte, malaxe la couleur, il lui
 
attribue une épaisseur, une matière, un poids et une densité.
 
Et puis il y a une douceur infinie, une émotion impalpable au premier regard qui lentement
 
vous submerge et vous comprenez alors combien il aime l’humanité malgré
 
tout. Quand il la montre souffrante, son geste est tendre, attentionné, il prend soin de son
 
sujet. Il y a du guérisseur chez Marcel Arnould, car si dans son oeuvre l’humain est parfois
 
effacé, mutilé, broyé, il y a toujours une volonté de recouvrir la plaie, d’apaiser la douleur.
 
Par sa matière écorce et tulle, par son trait burin et calame et sa couleur chaude pluie sable et
 
tuile, il panse l’humanité. Sous les braises la chair remue encore, la peinture de Marcel
 
Arnould nous en décrit la chaleur et l’espoir, car il y a du limon dans sa peinture, limon
 
fertile  de tous les possibles.
 

                                                                                                            JP Elantkowski 2010